Comment je peux passer à côté de ma vie sans m’en rendre compte…
De quoi souffrons-nous quand nous souffrons ?
Bien sûr, il y a le tragique des événements et situations de la vie : les misères et les traumatismes de l’enfance, les maladies, les deuils, les pertes, les violences et abus de toutes sortes, les maltraitances familiales, les tyrannies et les injustices sociales et politiques, les guerres, les famines, les épidémies… bien sûr il y a la douleur du corps, les problèmes de la vie, les insécurités matérielles et relationnelles, les conflits et les ruptures de lien… beaucoup de situations et d’événements qu’au premier abord je crois subir et face auxquels je me sens parfois totalement impuissant et désespéré.
Mais les enseignements de la plupart des traditions philosophiques ou spirituelles nous proposent étrangement un chemin qui n’ambitionne pas le changement de qui nous sommes ou de qui est l’autre et encore moins de la société. Elles nous invitent à commencer par ouvrir notre regard et notre coeur. Selon ces écoles, c’est l’ouverture à ce qui est qui amène un changement profond et pérenne, et non la volonté personnelle et réactive de l’ego, ancré dans des certitudes qui ne font qu’entretenir la course effrénée dans la cage du hamster.
Notre fonctionnement est souvent focalisé sur la recherche du changement, sur l’action de transformation, ou de progrès, sur l’action intempestive, sur la poursuite de modèles extérieurs, d’idéaux ou d’idéologies. Parce que lorsque nous sommes arrivés sur terre, l’enjeu principal, lorsque nous étions des nourrissons totalement dépendants de l’environnement et des autres, a été de survivre. Et pour ce faire, la priorité des priorités a été de s’adapter et de préserver à tout prix le lien aux personnes qui pouvaient nous protéger et prendre soin de nous, nos parents en premier lieu. Ensuite il s’est agi, dans le même mouvement, d’appartenir à des groupes de copains ou de copines, de trouver une place dans des communautés de pairs identifiées. L’autre est donc devenu le miroir et le critère à l’aune duquel je m’évalue. Le regard de l’autre m’a donné une identité, que je continue à protéger ou à combattre. Dans tous les cas, que je sois dans la honte ou la fierté de qui je suis, j’entretiens jour après jour, si je n’y prête gare, la prison de l’image de moi. Je nourris compulsivement ce faux-self qui m’étouffe, consciemment ou inconsciemment mais qu’en même temps je n’ose pas lâcher, de peur de mourir, de disparaître…
Notre désir d’être en lien nous a amené à devoir résoudre une aporie, un dilemme qui pourrait se résumer ainsi : comment être en lien avec l’autre tout en restant authentiquement fidèle à qui je suis. Dans cette équation, nous avons pour beaucoup d’entre nous dû nous trahir pour préserver le lien vital que nous devions maintenir avec les figures nourricières qui devaient prendre soin de nous et dont nous étions drastiquement dépendants.
Le problème réside en le fait que nous avons ensuite généralisé cette stratégie de survie à toutes nos relations et qu’aujourd’hui encore, nous fonctionnons en cherchant à répondre à des attentes réelles ou fantasmées de l’autre plutôt qu’à vivre notre vie depuis notre essence, depuis notre véritable aspiration.
Nous continuons à être conditionnés par les attentes projetées sur nous dans notre enfance et même inconsciemment nous suivons ces préceptes en croyant être libres, alors que nous suivons un programme, un conditionnement que nous avons choisi d’adopter à une époque où il n’y avait pas d’alternative pour survivre. Lorsque nous surfons sur internet sur les sites de développement personnel ou les chaînes d’influenceurs, nous attendons toujours que l’autre nous présente la solution à nos problèmes, et nous dise qui je dois être, ce que je dois faire pour ne plus être défaillant pour enfin correspondre aux attentes.
Le tragique de ce fonctionnement c’est que plus je mets mon attention sur des critères extérieurs, plus je m’éloigne de moi, et moins j’ai de chances de me connaître dans mes aspirations authentiques et singulières. Plus j’oriente mon énergie vers l’extérieur, moins je me connais; moins je suis présent à qui je suis, et plus je vais avoir le sentiment de passer à côté de ma vie.
Lorsque j’ai participé pour la première fois à un séminaire intensif “Qui suis-je ?” il y a de cela une dizaine d’année, j’ai été frappé de toucher au bout de quelques heures à un état de plénitude, de puissance, de clarté et de joie que j’avais rarement rencontré par le passé. Je n’avais accès à aucune lecture extérieure, je n’écoutais aucun enseignement, j’orientais simplement heure après heure, seconde après seconde toute mon attention, toute l’énergie de ma contemplation sur qui je suis instant après instant. Et dans cette contemplation je constatais avec étonnement après avoir traversé quelques crises que rien ne me manquait, que tout était complet, que j’avais en moi les réponses à toutes mes questions, les solutions à tous mes problèmes, les satisfactions à tous mes besoins et frustrations imaginaires.
Ce n’est pas pour rien que l’une des trois instructions gravées sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes était : “Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux” (Γνῶθι σεαυτόν, καὶ γνωσθήσει τὰ σύμπαντα καὶ τοὺς θεούς). Lorsque je réoriente mon attention et mon énergie vers mon centre, je vais vivre un véritable retournement intérieur qui va illuminer ma vie et le monde tout entier. Je vais prendre conscience de l’unité de tout ce qui est et que le monde dans lequel je vis est mon rêve, ma création, mon miroir, que ce que je crois ne pas désirer qui arrive dans ma vie est un appel d’une part inconsciente en moi à me réveiller à moi-même à me reconnaître dans la complétude.
Je peux connaître et accepter intellectuellement cette vérité de ma nécessité de me connaître moi-même, et pourtant me laisser encore et encore absorber dans le monde extérieur, sans jamais prendre le temps et le soin de ce retour vers qui je suis. La méditation est une manière de faire ce voyage de retour au centre, les dyades de clarification ou de séminaire intensif sont une autre technique, les différents types de yoga ou de pratiques spirituelles quand ils sont bien compris reposent également sur ce travail de retournement. Les pratiques tantriques, lorsqu’elles sont effectuées avec une véritable intention de se rencontrer soi au lieu de chercher à combler des pulsions ou des frustrations névrotiques ou traumatiques le sont aussi. Ainsi que l’a notamment montré Pierre Hadot qui a critiqué la manière traditionnelle de lire les auteurs de l’antiquité grecques que la philosophie consiste d’abord en une conversion à une forme de vie, à un art de vivre qui s’appuie sur un travail de soi sur soi à travers un ensemble d’exercices intellectuels et spirituels, la philosophie elle-même dans son essence est avant tout cet exercice de connaissance de soi. C’était avant que celle-ci ne se transforme en jeux d’égos et de concepts joués entre universitaires et spécialistes qui finissaient par se perdre dans les concepts et jargons sans plus revenir à l’origine, à la source de leurs mouvements de pensées, préférences, croyances.
Mais combien de temps et d’énergie consacrais-je chaque jour à cette réorientation de mon énergie ? Car tout l’univers alentour est le miroir de ma propre distraction de ma propre inaptitude à rester en moi, dans mon centre. Le monde entier vient me susurrer à l’oreille que la vérité est ailleurs, qu’elle n’est pas en moi, que la solution de mes problèmes est dans l’acquisition d’un statut, d’un talent, d’un objet d’une relation…
S’il y a quelque chose dont j’ai besoin c’est d’être enseigné dans les pratiques de retournement, dans les techniques de soi que les gnostiques appelaient anamnèse, resouvenance, retour à soi. “Souviens toi de qui tu es !” comme dans le conte de la perle de l’évangile de Thomas.
Les techniques de soi permettent aujourd’hui d’interroger le type d’attention qui nous permettra d’échapper au dressage, à la manipulation par les forces inertielles et égo-centrées qui nourrissent l’insécurité, l’uniformisation, la négation de soi, la soumission aux normes extérieures et aux pouvoirs en place plutôt que le retour à la source libre, jaillissante et joyeuse de l’être authentique que je suis, au-delà de tout déterminisme matériel, psychologique, spatio-temporel.
Cette vérité n’est pas simple à trouver, elle nécessite des techniques, des accompagnements avec l’intention claire et précise de soutenir cette quête intérieure. Nous pouvons bien sûr faire une part du chemin en solitaire, mais à un moment notre mental nous possède, nous aveugle et nous avons besoin d’un regard extérieur pour rencontrer qui nous sommes depuis un extérieur non voilé.
Le temps est venu d’affiner notre connaissance de Soi, notre relation à nous-même pour prendre conscience de notre véritable nature et de la réalité multidimensionnelle que nous sommes et dont nous faisons simultanément partie.
Dans cette approche, la maxime du temple de Delphes est un phare qui nous rappelle à chaque instant à cette vérité que nous sommes d’où émergent toutes les connaissances dont nous avons besoin, sur nous-même, mais aussi sur les autres, la vie et le monde. C’est cette connaissance qui nous permettra de vivre en pleine conscience la liberté et la puissance infinie de l’être que nous sommes, et de nous reconnecter également à notre aspiration profonde à aimer et à rencontrer l’autre dans sa vérité et son essence.
Avez-vous déjà envisagé que la clef qui vous ouvrira à une vie plus libre de la souffrance , présuppose de réorienter et de rassembler une part de votre attention et de votre énergie pour pénétrer plus profondément à la rencontre de qui vous êtes ? Êtes-vous prêt à prendre le risque d’explorer des dimensions nouvelles de votre fonctionnement et de vos peurs, pour vous ouvrir à la vérité absolue e qui vous êtes ? Êtes-vous prêt à décider d’élargir votre horizon de conscience et à changer votre vie pour toujours ?
Si oui c’est une décision, c’est un engagement que vous pouvez prendre ici et maintenant. La décision de lâcher mes idoles, mes croyances, mes certitudes, mes ressentiment, ma culpabilité pour prioriser à partir de maintenant la recherche exclusive et sans compromis de la Vérité ?
Si cette décision est authentique et profonde, elle changera votre vie à tout jamais.