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Traumatisme et éveil spirituel : un chemin à travers les nuées

Il y a différentes manières de rendre compte de la réalité et du contenu de nos expériences psychiques, selon que nous nous référons à une perspective spirituelle ou à une conception psychologique. Les deux visions ne sont en fait pas contradictoires. Elles pointent toutes les deux vers un centre qui se situe à la confluence des deux démarches. L’intention de ce partage est de mettre en évidence les convergences entre le cheminement vers ce qu’il est courant de nommer l’éveil spirituel et les approches de résolution du traumatisme tels que nous les mettons en œuvre dans les sessions individuelles et collectives de Nava-Tantra.

Que cela nous réjouisse ou non, le traumatisme est une composante essentielle de l’expérience humaine – et plus généralement, même si cela serait trop long à aborder ici, de toute expérience énergétique. Celui-ci peut en effet, et nous allons esquisser quelques éléments qui tenteront d’en rendre compte, être considéré comme l’origine de la plupart des états de souffrances psychologiques, de déconnexion au flux de la vie. Le traumatisme est ainsi d’un certain point de vue le substrat autour duquel s’agrège l’ego tout entier.

Le traumatisme, le regard paralysant de la Méduse

Le traumatisme psychique, psycho-traumatisme, ou traumatisme psychologique, est l’ensemble des dommages d’ordre psychologique résultant d’un événement dramatiquement subi ou de toute forme de violence, éprouvée physiquement ou moralement. Il s’exprime particulièrement dans la vie quotidienne par un trouble de stress post-traumatique dans lequel des éléments anodins, mais soudainement associés à l’événement premier, se transforment en stress. Le traumatisme psychique peut bien entendu parfois s’accompagner d’un traumatisme physique. Mais en soi le traumatisme physique trouvera d’autant plus vite et efficacement sa résolution physiologique que le processus naturel et spontané ne sera pas entravé par des enjeux psychologiques superflus.

Les causes possibles du trauma sont diverses : perte d’un être proche, viol ou autre abus sexuel, harcèlement moral, violence conjugale, endoctrinement, victime de l’alcoolisme, menace ou témoin d’un événement traumatisant, particulièrement durant l’enfance. Des événements naturels tels que les séismes, tsunami et éruptions volcaniques, les guerres, tortures, abus rituels, agressions animales ou humaines et autres violences aggravantes peuvent également contribuer à un traumatisme psychique. Une exposition à long terme à des situations telles que la pauvreté ou autres formes d’agression, comme les humiliations et agressions verbales, peuvent être traumatisantes.

Il faut souligner que tous les individus ne sont pas susceptibles de formes et d’intensité de traumatisme identiques. La vulnérabilité psychologique varie individuellement, étant liée à l’histoire personnelle ainsi qu’aux traumatismes antérieures non résolus. Les traumatismes ne sont par ailleurs pas simplement personnels, mais peuvent résulter d’expériences collectives, transgénérationnelles et même transpersonnelles. Des expériences effectuées récemment en laboratoire sur des mammifères ont ainsi montré que les traces d’un événement traumatique pouvaient être transmises sur de nombreuses générations à des sujets qui n’avaient pas éprouvé l’expérience initiale de débordement, mais continuaient à manifester les signes du stress post traumatique (déclenchement de suées, accélération du rythme cardiaque, tremblement, figement…) en présence du stimulus initial.

« Trop, trop vite et trop fort ! »

Ce que nous appelons un traumatisme c’est donc en termes très simplifiés une expérience que nous pourrions résumer en ces termes : « Trop, trop vite et trop fort ! » par rapport aux capacités psychiques et physiques de l’organisme qui l’expérimente. Ainsi le caractère traumatique ne réside-t-il pas tant dans les faits objectifs que dans la manière dont ceux ci ont été subjectivement vécus en fonction de l’histoire et de la capacité de résilience de l’individu concerné.

Lorsqu’un événement survient et que nous n’avons la possibilité ni de fuir, ni de combattre, le système va se figer. L’énorme charge énergétique mobilisée afin de faire face à la situation est brusquement freinée, bloquée et stockée dans le système énergétique de la personne, très concrètement dans le système nerveux du corps qui est le pendant physique dense du corps subtil d’énergie (tel que décrit dans les textes tantriques indiens ainsi que dans les traités de médecine taoïste chinois).

Si elle n’est pas déchargée cette somme colossale d’énergie de survie va restée endiguée dans le système, comme un courant de vie qui serait coupée de sa source et continuerait à tourner en rond sans plus être disponible dans le présent, comme si une partie du moi restait emprisonnée dans le passé. Cette énergie immobilisée est stockée sous la forme de multiples vortex traumatiques, séparés de l’unité organique de la personne, comme les parties d’âmes errantes que le shaman des cultures traditionnelles s’évertue à traquer et à rassembler lors des cérémonies de guérison. Ces parts d’âme perdues que sont les vortex traumatiques demeurent enfermées et figées dans le passé de l’événement, au niveau de la conscience reptilienne qui vit et revit sans discontinuité, l’expérience dramatique instituante. Le cerveau reptilien n’a en effet aucune notion de temps ou d’espace, il vit dans l’immédiateté d’un présent sans histoire ni projection, soumis au conditionnement du corps vital et aux boucles de stimuli-réactions.

Le processus de résolution consiste alors pour le thérapeute à faciliter l’auto-guérison du sujet, en permettant la reconnexion de toutes les parties fragmentées du système vital. Car ce n’est jamais le thérapeute ou le patient qui guérit quoi que ce soit, c’est l’intelligence de la Vie a laquelle le corps va, avec les ressources adéquates, pouvoir se reconnecter qui va remettre en fonctionnement le processus naturelle de réintégration. C’est la Vie qui se guérit elle-même. Le thérapeute ou la relation occasionnelle d’aide n’est là que pour permettre au patient de se reconnecter à la source vivante par laquelle le processus naturel de guérison se remet spontanément en œuvre.

De la résolution des traumas à l’ouverture spirituelle

Alors quelle est la relation entre résolution des traumas et éveil spirituel ?

Pour faire simple, l’ensemble de nos traumas non conscientisés participent à la cristallisation de l’illusion égotique d’un sujet séparé et d’un monde qui nous serait extérieur. Autrement dit, l’ego n’est constitué que de l’ensemble de ces formes pensées traumatiques agrégées, ces mémoires d’agression qui se consolident dans le fantasme d’une personne qui disposerait d’une volonté propre mais qui ne fait que répéter des pulsions d’attachements et de rejets. Ces vortex s’organisent progressivement de manière cohérente, tissent au fil des cycles karmiques une toile déformante et conditionnante qui perpétue les blessures et souffrances de vie en vie, nous enfermant dans des scénarios répétitifs d’attachement et de rejet. L’ensemble de cette toile figée et éclatée entre différents temps et époques constitue exactement l’ego.

A contrario, au fur et à mesure que le processus thérapeutique permet la reconnaissance et la réintégration des énergies bloquées dans les vortex traumatiques, des compréhensions, émotions et expériences inédites émergent. Chacune d’entre elles nous permet de tendre asymptotiquement vers la reconnaissance de la Vie que nous sommes en réalité (peu importe le terme employé, chaque tradition utilise ses métaphores : le Soi, la Vie, l’Esprit, les Lois de la Nature, la Conscience Absolue, Dieu, Paramshiva…). Ces ouvertures se révèlent comme des percées de lumière, d’amour et de gratitude dans le ciel nuageux de la conscience communément obscurcie par les résidus karmiques. Au fur et à mesure que les conditionnements reconnus et intégrés le sont à un niveau existentiel profond, des synchronicités, des visions et des miracles de plus en plus impressionnants surviennent dans l’expérience vivante, des coïncidences inexpliquées, des visions prescientes, des expériences de clairvoyance et de télépathie, puis des percées dans des réalités alternatives, des rencontres avec des êtres d’autres trames, de nouveaux corps, d’autres mondes, d’autres rêves…

Cela peut même apparaitre surprenant, mais il est courant d’observer comment la résolution d’une problématique traumatique chez une personne agit de façon récursive et virale à la fois sur la descendance biologique et karmique, mais également sur l’ascendance. Ce phénomène devient plus évident et naturel, la conscience accède à des expériences de vision au cours desquels elle reconnaît que, en amont de la perspective filtrée par le système nerveux et le cerveau, aucune temporalité linéaire n’existe essentiellement. Dans cette vision, tous les événements de toutes les vies surgissent en un seul instant, un éclair dans la nuit. C’est le mental rationnel et apeuré qui construit l’illusion sécurisante d’une linéarité et d’un sens temporel qui n’a aucun substrat indépendant de cette perspective. Ce que nous nommons réalité est alors expérimentée comme une toile mettant en relation toutes les expériences de tous les temps, lieux et univers, que l’esprit a liberté de contempler dans son ensemble ou d’explorer selon toutes les directions et tous les sens.

Trauma et Sankara : un chemin sans fin…

Il y a ainsi une convergence évidente entre ce concept contemporain de traumatisme tel que nous l’utilisons dans le Nava-Tantra et le concept indien de sankara qui dans la tradition bouddhiste décrit ces traces résiduelles de nos expériences. Ceux-ci déterminent nos avidités et aversions et entretiennent la roue karmique des réincarnations. Au fil des multiples drames, tragédies, souffrances de nos histoires personnelles, familiales, générationnelles, nous portons tous en tant qu’humains de multiples blessures, cicatrices, protections, que nous en soyons conscient ou non. Le trauma est donc un enfermement, tout comme le sankara, qui entretient une vision partielle, figée dans la mémoire et étriquée de la réalité.

De la même façon, donc, que porter des sankaras est synonyme d’être en état d’incarnation dans le cycle du karma, nous pourrions dire qu’être traumatisé est la caractéristique de l’état d’humanité. Certains prétendent que les animaux, les végétaux et les minéraux ne pourraient pas subir de traumatisme, car ne possédant pas de cerveau cognitif ni d’ego, mais c’est la une conception très anthropomorphique. Nous pouvons en toute légitimité parler de traumatismes collectifs ou spécifiques, et l’évolution, au sens darwinien, ne se réduit peut-être finalement qu’à l’histoire de la profusion et de la diversité des modes adaptatifs de survie que les vivants adoptent pour traverser les expériences de débordement qu’ils ont rencontrés tout au long des millions, voire des milliards d’années d’expériences incarnées.

Le traumatisme est donc bien inséparable de notre condition humaine, et plus généralement de toute existence vivante qui à un moment donné fait l’expérience d’une relation sujet-objet. La résolution de toutes les traces traumatiques est à l’inverse le retour à la perspective de la conscience pure qui s’est libérée de toutes les identifications contingentes. De la même façon que dans le discours bouddhiste se libérer peu à peu des résidus sankariques nous permet de nous extraire du déterminisme du cycle des réincarnations, la guérison des traumas nous reconnecte progressivement à la Vie en tant que totalité qui choisit de s’éprouver elle-même à travers l’infinie diversité des formes imaginables.

Autrement dit, en tant qu’être humain, il est illusoire de croire qu’un jour nous pourrions en avoir définitivement terminé avec tout besoin d’accompagnement psychologique. Notre condition humaine réside essentiellement en l’acceptation de notre finitude, ce d’autant plus que nous sommes éveillés aux perspectives spirituelles. Nous pouvons expérimenter une capacité variable de résilience, mais il n’en reste pas moins que nous devrons toujours à un moment ou à un autre faire face à nos limites, ne serait-ce que la naissance et la mort physiologiques. Nos capacité finie de à intégrer les événements extérieurs nous conduiront incessamment dans les lieux de blessures qui nécessiteront de recourir à un soutien thérapeutique, et par là même nous obligerons à remettre en relation les parties qui prétendaient à l’autonomie. Cette finitude est la condition première de l’éveil spirituel, au sens où elle nous rappelle sans cesse à l’humilité de notre condition. L’humilité qui est précisément regardée par nombre de mystique comme la qualité primordiale présidant à la rencontre du divin. Personne ne se sauve seul, et toutes les expériences d’ouverture de conscience demeurent sur un certain plan des expériences relationnelles.

Naviguer entre les vortex…

Dans le Nava-Tantra nous travaillons à la fois en dynamique groupale et en séances de consultations individuelles pour permettre aux personnes de se libérer progressivement du tissu d’illusion qui perpétue la souffrance et l’enfermement dans les processus scénariques, vies après vies. Progressivement le ciel se dégage des nuées et de nouveaux horizons de possibilités s’ouvrent. Nous nous rapprochons, pendulation après pendulation, de la source sans qualité ni limite, la conscience, pure et libre de toute détermination, le seul désir d’être. La vie.

Le principe de la résolution du trauma consiste invariablement en la reconnexion de chaque blessure avec sa ressource correspondante. Il y a en effet comme une dualisation de l’énergie bloquée qui pour chaque vortex traumatique qui est créé, met en place de manière conjointe un vortex thérapeutique, une énergie de guérison potentielle qui est elle aussi refoulée dans l’inconscient jusqu’à ce qu’elle soit à nouveau mise en relation avec son corrélat traumatique. Sur un plan cognitif c’est un peu comme si chaque croyance limitante pouvait rencontrer la croyance exactement opposée pour que les deux mouvements, traumatiques et thérapeutiques, se complètent, s’agrègent et s’annulent. L’énergie qui était doublement figée dans des vortex accessoires est remise en circulation dans le grand flux de l’élan vital.

Pour ce faire nous guidons l’attention du groupe de participants ou du patient, en ralentissant le mouvement conditionné de l’énergie pour dilater les espaces d’automatismes qui perpétuent l’illusion de souffrance, et faire ainsi émerger de nouvelles possibilités de compréhension, de ressenti et d’action. Se met alors en place un phénomène de pendulation, une alternance entre des phases d’expansion et des phases de contraction, à l’image de vagues qui au fur et à mesure de leur déferlement réorganisent ce qui était resté désorganisé et ramènent le système à sa connexion fondamentale à l’élan vital.

A un moment donné ce qui appartenait au passé retourne au passé, et la conscience libérée des identifications limitantes, et des jeux de rejet et de complaisance peut faire l’expérience authentique et intense de la vie, traverser les hauts et les bas de l’existence dans la connexion à la présence inconditionnelle de l’être.

C’est ce que nous nommons « Vivre le jeu de la Vie ! ».

YMLH

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