De la non-directivité à l’Approche Centrée sur la Personne (ACP), par Carl Rogers
Texte de Carl Rogers
Traduction Olga Kauffmann
Sous-titres Yves Le Petit-Laborde
Qu’est-ce que je veux dire par une approche centrée sur le client ou une approche centrée sur la personne ?
Pour moi, celà exprime le thème fondamental de toute ma vie professionnelle, car ce thème s’est clarifié à travers l’expérience, l’interaction avec les autres et la recherche.
Ce thème a été exploité, et trouvé efficace, dans de nombreux domaines différents jusqu’à ce que la vaste étiquette d’Approche Centrée sur la Personne eût paru la plus descriptive.
L’hypothèse centrale de cette approche peut se résumer ainsi :
“Chaque individu a en lui des capacités considérables de se comprendre, de changer l’idée qu’il a de lui-même, ses attitudes et sa manière de se conduire ; il peut puiser dans ces ressources, pourvu que lui soit assuré un climat d’attitudes psychologiques “facilitatrices” que l’on peut déterminer.”
Trois conditions constituent ce climat favorisant le développement, qu’il s’agisse d’une relation entre le thérapeute et son client, le parent et l’enfant, le leader et le groupe, le professeur et l’élève ou le directeur et son équipe..
Les conditions s’appliquent, en fait, à toute situation dans laquelle l’objectif est le développement de la personne. (…)
1 – La congruence
Le premier élément porte sur l’authenticité ou congruence.
Plus le thérapeute est lui-même, ou elle-même, dans la relation, n’affichant pas de façade professionnelle ou d’image personnelle, plus grande est la probabilité que le client changera et se développera d’une manière constructive.
Celà veut dire que le thérapeute est ouvertement les sentiments et les attitudes qui coulent en lui, sur le moment.
Il y a un état d’unification, ou congruence, entre l’expérience émotionnelle en cours au niveau des tripes, la conscience de cette expérience et ce qui est exprimé au client.
2 – La considération positive inconditionnelle
La seconde attitude importante pour créer un climat favorisant le changement est l’acceptation ou l’attention, ou la considération : le regard positif inconditionnel.
Celà veut dire que lorsque le thérapeute fait l’expérience d’une attitude positive, exempte de jugement, acceptante envers ce que le client est sur le moment, quoi que ce soit, alors le mouvement thérapeutique, ou changement, est plus probable.
Celà demande la volonté du thérapeute de laisser le client être le sentiment qu’il est en train de vivre, quel qu’il soit : confusion, ressentiment, peur, colère, courage, amour ou orgueil.
C’est une attention non possessive.
Lorsque le thérapeute accepte le client d’une manière totale plutôt que conditionnelle, un mouvement en avant est probable.
3 – L’empathie
Le troisième aspect facilitateur de la relation est la compréhension empathique.
Celà veut dire que le thérapeute sent exactement les sentiments et significations personnelles que le client est en train d’expérimenter et qu’il communique cette compréhension acceptante au client.
Quand le fonctionnement est à son meilleur niveau, le thérapeute se trouve tellement immergé dans le monde privé de l’autre, qu’il ou qu’elle peut non seulement clarifier les significations dont le client est conscient mais même ceux se trouvant juste au dessous du niveau de conscience.
Ce type d’écoute, très spéciale, active, est l’une des forces les plus puissantes que je connaisse pour favoriser le changement.
L’évidence
Il y a une accumulation de preuves, progressivement produites par la recherche, qui, en général, soutiennent l’idée que lorsque ces conditions facilitatrices sont présentes, des changements dans la personnalité et le comportement interviennent vraiment.
Cette recherche a été poursuivie dans ce pays, et dans d’autres, de 1949 à ce jour.
Des études ont été faites sur les changements d’attitude et de comportement dans le domaine de la psychothérapie, dans l’éducation, sur l’aptitude à l’apprentissage, et sur le comportement des schizophrènes.
En général, ces études sont une confirmation.
La confiance
La pratique, la théorie et la recherche précisent clairement que l’Approche Centrée sur la Personne repose sur une confiance de base en la personne.
C’est peut-être son point de différence le plus aigu avec la plupart des institutions dans notre culture.
Dans l’éducation, le gouvernement; les affaires, une bonne partie de la vie de famille, de la psychothérapie, tout est pratiquement basé sur une méfiance en la personne.
L’individu est vécu comme incapable de choisir des buts qui lui conviennent, aussi doit-on les lui fixer.
Et on doit le guider vers ces buts, car autrement il pourrait s’écarter du chemin choisi.
Les enseignants, les parents, les superviseurs développent des procédures pour s’assurer que l’individu progresse vers le but choisi ; examens, contrôles, interrogations sont quelques unes des méthodes utilisées.
La personne est vécue comme un être foncièrement pêcheur, destructeur, paresseux ou les trois à la fois. Et cette personne doit constamment être surveillée.
Mais l’Approche Centrée sur la Personne repose sur la tendance à l’actualisation, présente dans chaque organisme vivant : la tendance à l’éclosion, au développement, à la réalisation de tout son potentiel.
Cette façon d’être fait confiance en la tendance directionnelle constructive de l’être humain vers un développement plus complexe et plus complet.
Notre but est de libérer cette tendance directionnelle.